Tous les crédits carbone se valent-ils ?
Date de modification : 31 octobre 2023
📰 Une étude de la revue américaine Science, relayée en France par le journal Le Monde, estime que les émissions de carbone (CO2) évitées sont très souvent surestimées dans le cadre des projets REDD+ (Réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts).
L’article signale la faillibilité des méthodes prédictives, qui s’appuient sur un scénario de référence généralement trop pessimiste, exagérant ainsi le CO2 évité par les projets.
Les chercheurs ont comparé le taux effectif de déforestation dans les zones concernées avec les projections intégrées dans le processus de certification. Dans 16 cas sur 18 étudiés, il est inférieur à ce qui a été projeté, ce qui induit une surestimation des crédits que devraient générer les projets.
🌳 À l’origine du standard de certification examiné par cette étude, l’ONG Verra, dont le précédent patron a été contraint à la démission en raison d’une première série de publications critiques en janvier, rappelle qu’il y a actuellement 93 projets REDD+ et qu’il est injustifié d’extrapoler la conclusion de l’étude à tous les projets.
Que retenir de cette nouvelle parution ?
➡ L’étude interroge à juste titre la pertinence de vendre des tonnes de carbone en se fondant sur ce type de “doubles projections” (à la fois de déforestation évitée, et d’impact carbone associé).
Bien entendu, les méthodologies ne sont pas figées et peuvent s’améliorer, en partie grâce aux retours de la communauté scientifique qui mettent en évidence leurs biais : Verra indique à ce sujet travailler sur une nouvelle méthodologie, qui « répondra directement à un grand nombre des préoccupations soulevées ». Il devient urgent aujourd’hui de rectifier le tir, tant ces scandales et désillusions avérées pénalisent la dynamique de financement de projets qui, pour beaucoup, sont bel et bien utiles.
➡ De manière générale, le caractère aléatoire des projets liés à la forêt, dont l’impact carbone réel ne peut pas aisément être évalué sur des temporalités courtes, invite à les considérer avec la plus grande prudence. On peut ainsi recommander d’examiner d’autres angles que la dimension carbone au regard des co-bénéfices sociaux, économiques et/ou environnementaux précieux que drainent avec eux ces projets.
➡ Enfin, il est important de rappeler que le type de certification critiqué par cet article ne concerne pas l’ensemble des projets carbone. En 2022 en France, d’après notre enquête réalisée auprès de 28 opérateurs, les projets de déforestation évitée représentaient moins de 8% des crédits vendus. Dans de nombreux secteurs, de nouvelles approches se déploient pour faciliter le financement d’initiatives de transition vers une société bas-carbone. Elles valorisent davantage, par exemple, les co-bénéfices naturels (ex. plantation de haies) ou la faculté d’auditer les résultats a posteriori (ex. rénovation thermique du bâti collectif).